Entre fêtes de bureau et réunions de famille, la période des fêtes n’apporte pas seulement bonne humeur, cadeaux, et chaleur.

Sont souvent placés sous les feux des projecteurs du traîneau du père Noël l’isolement, la détresse psychologique, les soucis financiers et les conflits familiaux. Alors que certains voient une occasion d’union et de légèreté pailletée, d’autres y voient une mise en relief de leur solitude et un mois de décembre lourd à porter.

Les cadeaux ont-ils un sens en solo ?

Il y a tout d’abord la solitude au sens strict du terme. Celle qui est subit, alors consécutive à des séparations, des ruptures familiales ou conjugales, ou à des drames, des départs précipités. Dans l’inconscient collectif, Noël est une tradition familiale. Alors qu’advient-il lorsque la famille n’est plus ? Survient alors souvent le sentiment d’être pour un temps marginal, rejeté et de ne pas remplir les critères suffisant pour faire partie de la fête, comme celui ou celle qui se fait recaler par le vigile (le père noël en l’occurrence) à l’entrée de la plus grande fête de l’année. Outre le prétexte en or que représente Noël pour les commerces, de part les millions de dépenses générées, le cadeau constitue aussi le symbole de l’attachement à l’autre, le fil conducteur de la pensée vers son proche. Les attentions, modestes ou copieuses, réchauffent les cœurs : elles valorisent, peuvent donner le sentiment de compter, sans parler de la libération de toute une cascade d’hormones du bien-être (qui ne font certes pas le bonheur, mais qui donne un accès direct sans file d’attente au plaisir court mais immédiat).

Les personnes seules à l’occasion de cette fête se trouvent privées de cela.

Mais la solitude peut aussi ne pas être le signe d’un isolement. On peut se sentir seule, dans une famille nombreuse. J’entends, parmi certains de mes patients, l’idée que Noël est une “célébration hypocrite”. Ils ne voient alors pas cette réunion comme une opportunité d’heureuses retrouvailles mais comme des retrouvailles contraintes qui ne reflètent pas les 364 autres jours.

C’est pourquoi, de plus en plus de personnes choisissent d’ajouter une, voir plusieurs chaises à leur tablée de Noël afin soit, de convier les esseulés, et/ou afin que cette fête leur ressemble davantage en ne se limitant pas à la famille exclusive. 

Une ouverture de cadeaux en jet lag : le cas des parents séparés

Demandez aux parents séparés de vous parler de la gestion de Noël et vous récolterez inévitablement un long soupir!

Vivre un Noël en « garde partagée » n’est pas simple, ni pour le cœur ni pour le casse-tête d’organisation qu’il exige. 

Dans le cas d’une entente mutuelle sans jugement, beaucoup de parents optent pour le partage du 24 et du 25. Cette année ce sera Noël chez papa le 24, et Noël chez maman le 25, et inversement l’année suivante. 

Dans le cas d’un jugement, par soucis de simplicité, Noël dans son entièreté se passe une année chez l’un des parents et l’autre année, chez l’autre parent. Bien que cela s’impose, notamment en cas de litiges importants entre parents séparés, cette option n’en demeure pas moins difficile. Noël est en effet associé directement à la fête des enfants, avec tout son florilège de magie, de croyances et de cadeaux.

Mais je m’attache à expliquer à ces parents qu’il ne s’agit pas de renoncer à son Noël avec son enfant. 

Les enfants n’ont que faire des dates. Que votre Noël se célèbre le 24, le 25 ou le 31, la magie peut-être la même. Ayez confiance en votre capacité à vous adapter, à faire évoluer vos traditions et rituels d’avant la séparation. L’enfant gardera surtout en tête qu’il aura eu un Noël ×2 et double dose de cadeaux sous le sapin.

La période anniversaire des douleurs passées

En période de deuil, Noël peut raviver le souvenir douloureux d’une personne absente ou d’un combat perdu contre la maladie. 

Quand la douleur est trop forte, on peut être tentés de passer son tour, et de ne pas répondre à l’appel de Noël. L’idée n’est pas de vivre Noël “comme avant”, puisque de toute évidence, ça ne sera plus jamais comme avant. Mais d’aller vers un Noël “différent” en faisant évoluer certains rituels, comme le lieu de la célébration par exemple, en écourtant ce moment ou encore en s’entourant de ses proches, les plus proches.

Vous pouvez aussi avoir envie de vous rappeler les bons souvenirs et ressentir le besoin de rendre hommage en cette période. Une bougie sur la table ou un album photos qui passe entre les mains sont des hommages possibles. Tout le monde a sa place autour de la table de Noël.

Les difficultés financières : quand le père Noël réclame sa paye

Je ne peux parler de Noël et de la détresse, sans aborder le sujet du porte monnaie. Les prix s’élèvent, les salaires stagnent et le Père-Noël lui, ne passe jamais son tour. C’est donc forcément une équation à problèmes. 

Pas facile de se retrouver dans le paradoxe schizophrénique  qui vous fait naviguer entre les tentations des réseaux qui affichent des produits neufs toujours plus beaux, toujours plus innovants et bien sûr (restons dans le superlatif), toujours plus chers, et la mise en avant grandissante des achats seconde main. 

Cela demande un travail de tolérance à la frustration, alors que pour certains proches, on aimerait tout offrir, et de faire évoluer la logique de nos achats en se tournant peut être davantage sur de “l’utile” et en privilégiant la seconde main. 

Ne pas oublier que l’important du cadeau réside dans toute la symbolique qu’il comporte : il permet à la fois de manifester un sentiment (de reconnaissance, d’attachement, d’amour, d’amitié, de sympathie, …), et de signifier à la personne qui le reçoit, la volonté que l’on a, de conserver le lien qui nous unit lui et nous. Petits budgets ou gros porte monnaie peuvent répondre tout deux à cet objectif.

Quand le stress s’associe à la magie

Les préparatifs de Noël peuvent être les instants de tous les dangers pour nos amis les perfectionnistes. Il y a le stress lié à la quête de l’idéal, pour trouver les cadeaux parfaits qui rendront tout le monde content. Le stress temporel, lié à la course contre la montre, celui de la volonté d’harmonie, celui des obligations (ménage, préparation des repas), et enfin celui des conflits à gérer en amont, pour que le jour J les esprits soient apaisés et que la fête ne soit pas gâchée.

Le stress peut aussi être la résultante d’une pathologie mentale qui rend l’exposition aux conditions d’une telle célébration difficile. Je pense notamment à mes patients qui souffrent d’anxiété sociale, pour qui se retrouver au sein d’un groupe de personnes, plus ou moins proches, peut s’avérer éprouvant. Mes patients atteints de troubles des conduites alimentaires, plus particulièrement d’anorexie mentale, expriment une angoisse d’anticipation majeure à l’idée de partager des repas copieux et d’avoir à passer de longs moments attablés. Enfin, mes patients dans un rapport à l’alcool difficile, peuvent également ressentir des craintes quant à l’approche de ces fêtes dans lesquelles beaucoup de verres sont levés.

Quand réveillon rime avec dépression

J’accorde une attention particulière aux personnes souffrant de dépression pour qui, l’abord de la période des fêtes de fin d’année est particulièrement éprouvant.

L’illusion rattachée à Noël et entretenue par les médias et les réseaux sociaux — tout paraît plus beau, plus riche, plus heureux autour de nous — exacerbe la douleur à cause de l’effet de contraste. Les couleurs, les odeurs, les chansons, les sujets de conversation, et les décorations sont autant d’indices qui, en cas de dépression, ne constituent plus notre “Madeleine de Proust” mais bien une mise en avant de ce qui, aujourd’hui, “n’est plus”. 

Ces illusions peuvent ainsi alimenter un état dépressif. Pour les personnes malades, Noël sera une journée de maladie comme les autres.

Quoiqu’il en soit, même si l’esprit n’est pas à la fête, je conseille de conserver les rituels passés, et de s’entourer le plus possible de proches bienveillants qui respecteront une célébration “en sourdine” pour la personne souffrante. 

Par ailleurs, se centrer sur la nécessité d’une prise en charge (la dépression est une maladie que l’on sait soigner), et faire du prochain Noël un levier motivationnel.

Margot Duvauchelle, psychologue