L’épidémie de Covid-19 n’aura pas seulement marqué les corps. Les esprits sont eux aussi touchés, d’autant plus face aux mesures de protection exceptionnelles et sans précédents prises par le Gouvernement et à destination de tous. Ainsi, que l’on fasse partie des personnes affectées par le virus, que l’on soit au contact direct de celui-ci comme les soignants, au contact potentiel comme toute personne continuant à exercer son métier en lien avec du public, par nécessité, ou que l’on soit confinés, nous sommes tous concernés.

Mais à situation identique, nous n’avons pas la même réaction. 

Cette épisode pandémique n’est donc pas traumatique pour tout le monde, mais peut potentiellement l’être selon : 

  • les ressources internes et externes dont nous disposons (par ex, une tendance à l’optimisme, une maîtrise d’outils divers favorisant la gestion émotionnelle, un entourage familial et amical présent, même à distance).
  • le nombre de traumatismes déjà subi antérieurement.
  • une vulnérabilité psychologique pré-existante comme par exemple une tendance à l’anxiété ou la présence de troubles mentaux indépendants de la situation actuelle.

Par définition, est traumatique un événement qui survient soudainement ou de manière inattendue, qui menace la vie ou l’intégrité physique et/ou psychologique, qui “désorganise” d’un point de vue psychique et matériel, et qui implique de la peur voire de l’horreur, et de l’impuissance. Il peut être de nature intentionnelle (agression, attentat, …) ou non (accident, catastrophe naturelle, épidémie,…), ponctuel et limité, ou inscrit dans la durée.

La crise sanitaire que nous traversons répond en tout point aux critères que l’on assimile à un événement traumatique, nécessitant de ce fait une vigilance toute particulière de la part des soignants en santé mentale. Si l’on reprend l’idée de “pic” souvent évoquée dans le milieu médical et dans les médias concernant le nombre de patients affectés par le virus, il se pourrait que dans le domaine des soins psychiques nous ayons à faire à deux “vagues” de détresse psychologique (à défaut d’être respiratoire…) : la première, l’actuelle, se traduit par une détresse liée le plus souvent à l’état de confinement, au surmenage des soignants , à la peur pour son état de santé et celle de ses proches, ou à la perte d’un proche ayant contracté le virus. Cette détresse, parce qu’elle se manifeste dans un contexte de crise aiguë, suscite une attention certaine et mobilise, avec la mise en place par exemple de plateforme d’écoute gratuite à destination des soignants, prodiguée par des psychologues bénévoles (https://psychologues-solidaires.fr/demande-de-soutien).

Or, la seconde vague, qui arrivera au lendemain de l’état de confinement, n’est pas à négliger, loin de là. Si la “désorganisation” met en difficulté, la “réorganisation”, tout autant. De plus, certaines réactions peuvent être mises en sourdine, notamment chez les soignants, de part l’état d’urgence qui nécessite rapidité, concentration et action, “robotisant” ainsi leur fonctionnement avec une mise à distance des émotions. Pour certains, la bombe à retardement devra trouver à être désamorcée dans ce second temps. 

Je vais dans les prochaines lignes détailler la souffrance psychologique potentiellement ressentie en lien avec la pandémie de coronavirus que nous connaissons à l’heure actuelle. J’y développerai également les possibilités qui s’offrent à nous afin de faire face à ces facteurs de détresse psychique. 

Pour cela je m’appuierai sur les recherches réalisées antérieurement sur les états de confinement (ou quarantaines), indépendamment du Coronavirus, sur les retours de mes patients lors des téléconsultations, et sur les concepts psychologiques tirés des Thérapies Comportementales et Cognitives. 

La privation de liberté

 

Lundi 16 mars, 20h00. Le président E. Macron prend la parole pour annoncer ce qui aurait été impensable quelques mois voir quelques semaines auparavant : 

“(…) Dès demain midi, et pour quinze jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits. Cela signifie que les regroupements extérieurs, les réunions familiales ou amicales, ne seront plus permises. Se promener, retrouver ses amis dans la rue, ce sera plus possible. Il s’agit de limiter au maximum ses contacts, au-delà du foyer. Partout sur le territoire français, en Métropole comme Outre-mer, seuls doivent demeurer les trajets nécessaires. Nécessaires pour aller faire ses courses, avec de la discipline, et en mettant les distances, d’au moins un mètre, en ne serrant pas la main, en n’embrassant pas. (…)”. 

L’allocution du Président, au-delà de la visée informative, a eu deux effets : le premier, a été celui de développer un sentiment de privation de liberté, sentiment plus ou moins fort selon les personnes. Comme dit précédemment, à situation identique, réactions différentes, ou au moins d’intensités différentes. Le deuxième effet s’est incarné dans l’émergence d’un sentiment de peur, en raison notamment des termes entendus, pouvant présenter une connotation anxiogène : 

réalité immédiate / pressante

– crise

– guerre 

– exceptionnel

– interdit

– alerte

– gravité

– danger

– discipline

Privation de liberté + Peur = vécu de stress, qui pourrait être le “lit” d’une détresse à venir plus importante si ces sentiments venaient à durer dans le temps.

Une expérience a été menée auprès de sujets souffrants d’un cancer, dans le but de tester les effets de la privation de liberté de choix. Deux groupes de sujets ont été constitués. Est proposé au premier groupe une chimiothérapie, ainsi qu’un traitement antiémétique. Le second groupe se voit proposer un traitement identique à la différence que les malades auront le choix en ce qui concerne ce dernier traitement (il existe en effet trois types de molécules actives différentes mais de même efficacité). Ainsi, les sujets ont été placés dans un contexte de libre choix. Par le biais de tests et d’échelles, l’état physique et psychologique des patients est, de mois en mois, évalué.

Que révèlent les résultats ?

A mesure que le temps passe, les sujets ayant choisi leur traitement ont des meilleurs résultats tant physiques que psychologiques. Les médecins notent un meilleur état général du groupe placé dans un contexte de liberté. Ces résultats s’expliquent par le sentiment généré dans le deuxième groupe d’un engagement par rapport à leur lutte contre la maladie, et d’un sentiment a minima de contrôle. Plus on se sent actif et responsable dans nos choix et nos actions, mieux on se sent. Moins on a le sentiment que ce que l’on vit nous est imposé, moins la détresse est importante. 

Face à contexte de confinement, il est donc nécessaire de nourrir un sentiment de contrôle, dans la mesure des possibles. Cela passe avant tout par le fait d’adhérer un minimum aux décisions gouvernementales, d’en comprendre profondément les enjeux, à la fois individuels et collectifs. Moins vous êtes favorables à une condition, moins vous la comprenez, et plus un élan de lutte interne et externe va s’opérer, sans qu’il y ait toutefois de résultats, pouvant potentialiser le sentiment d’impuissance. En psychologie, nous appelons ce phénomène l’“impuissance apprise”. Vos actions, votre lutte, votre résistance n’ont pas d’effet malgré toute l’énergie déployée, créant ainsi un épuisement mental pouvant mener à la dépression. Il n’y a pas meilleure période que celle actuelle pour développer les nobles qualités que sont l’altruisme, la conscience collective, la solidarité, et l’humanité.

 

Le sentiment de contrôle se retrouve également à plus petite échelle, à savoir à l’échelle de votre quotidien, au sein de votre foyer. Sur quoi, à l’intérieur de chez vous, possédez-vous encore le contrôle et êtes-vous maîtres de vos décisions? Vos horaires de levers, de couchers, de repas, le film ou la série que vous avez envie de regarder, le contenu de votre assiette, la tenue que vous portez, le gel douche que vous utilisez, tel ou tel ami que vous avez envie d’appeler, …. Ne pas perdre de vue que même entre quatre murs, s’offre à nous un large éventail de possibilités dans la manière de mener notre journée.

La solitude VS le besoin d’intimité

La solitude

Le confinement implique de limiter au maximum les contacts physiques et les entrevues avec les autres, en dehors du foyer. Ainsi, le manque de ses proches, famille comme amis, peut se révéler majeur et ce d’autant plus que la sphère de vie sociale était très investie à l’habitude. Comme disait Aristote : “L’Homme est un être sociable; la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables”.

 

 

Les besoins sociaux sont retrouvés dans un schéma conceptualisé en 1940 par Abraham Maslow, psychologue, qui retrace les besoins de l’être humain, de façon hiérarchique sous forme de pyramide.

L’isolement social est d’ailleurs majoritairement un signe évocateur d’un mal-être, que nous allons en tant que soignant en santé mentale systématiquement explorer. Il peut en effet s’agir d’un symptôme retrouvé dans plusieurs pathologies mentales comme la dépression, certaines phobies, ou encore les psychoses. En dehors de ces pathologies, même chez quelqu’un ayant un attrait certain pour la solitude, il y aura toujours, d’une manière ou d’une autre (par le contact virtuel par exemple), une recherche de lien avec l’Autre. C’est en raison de cette notion de “besoin” qu’il est aisé de saisir toute la portée que représente le manque de contact avec autrui en ces temps de confinement.

Il est indispensable, d’autant plus si vous êtes en état de confinement seul (pour les célibataires sans enfants par exemple), d’être vigilant à maintenir ce tissu social. Avant tout, parce qu’il s’agit d’un besoin, mais au-delà, parce qu’en cette période anxiogène il constitue une source de soutien indéniable, à ne pas sous estimer. Seul, la roue de Monsieur Pensouillard le Hamster (cf “On est foutu, on pense trop !” du Dr S. Marquis) tourne à plein régime ! Face à des événements de vie qui fragilisent, il est salutaire de confronter nos impressions et appréhensions à l’avis de ses proches qui, sans être psychologues (!), peuvent tout à fait vous aider à vous décaler un peu de vos pensées et à relativiser certaines d’entres elles. Encore faut-il échanger avec quelqu’un de moins anxieux que soi ! Si vous l’êtes particulièrement, ne négligez pas le choix de vos interlocuteurs, transitoirement en tout cas, le temps que les choses s’apaisent.

Le monde d’aujourd’hui est capable de nous offrir le meilleur comme le pire. Le pire, nous y goûtons aujourd’hui avec la propagation de ce virus. Le meilleur, et qui n’a rien à voir avec un virus (quoique), s’illustre en partie dans nos possibilités de communication. Pour caricaturer, il est presque plus difficile aujourd’hui (dans les sociétés occidentales bien évidemment) de n’être au contact de personne que l’inverse, peu importe le moyen. Les technologies de communication, en ces temps de confinement, nous permettent aisément de garder le lien (appels téléphoniques, sms, visio, réseaux sociaux). Sur cette précaution à prendre, nous ne pouvons pas être mauvais élèves.

Le besoin d’intimité

Pour celles et ceux qui se trouvent confinés à plusieurs, un autre besoin, inverse au précédent, peut se faire sentir, celui de retrouver une intimité, tout aussi nécessaire à l’équilibre psychique. Cette difficulté qui peut ponctuellement se présenter lors de vacances en famille ou entre amis est aujourd’hui majorée par une temporalité différente. Elle ne se ressent plus dans un contexte récréatif et transitoire, mais dans un contexte imposé et durable. 

L’intimité fait aussi partie de nos besoins essentiels. Sans elle, sans cet espace privé, différent des autres, nous sommes comme amputés de nous-même. 

En thérapie de couple, les motifs de consultation se portent souvent sur cette frontière, mettant en relief une difficulté à trouver la juste mesure entre l’indépendance et la fusion. L’un se plaint de voir l’autre prendre trop de libertés, l’autre d’être trop étouffé. Même en dehors d’un état de confinement, c’est une question qui se pose régulièrement. On ne peut qu’imaginer l’effet catalyseur d’un tel problème en période de confinement…

Pour accéder à un temps d’intimité, il est important de ne pas hésiter à le communiquer aux autres. Par peur de froisser dans la formulation de ce besoin, nous pouvons faire le choix, à tort, d’essayer de prendre sur soi et de rester en contact permanent avec la ou les personnes, en dépit du besoin de se retrouver seul, un instant. Mais le besoin non assouvi d’aujourd’hui, risque de s’additionner au besoin non satisfait d’hier et à celui d’avant-hier, faisant courir le risque de générer fatigue, frustration et irritabilité, cocktail détonnant pour faire exploser le conflit. En d’autres termes, les précautions prises au départ dans le but de maintenir un lien de qualité, exposent davantage, à terme, à une altération de celui-ci. Ne dit-on pas se séparer pour mieux se retrouver?

Dans des cas plus extrêmes, l’irritabilité générée par cette proximité durable peut aller jusqu’à de l’agressivité voir de la violence, qu’elle soit verbale ou physique. Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, rapporte une augmentation de plus de 30% des signalements de violences conjugales depuis le début du confinement. Le même constat préoccupant est observé dans les signalements des violences faites aux enfants. Juridiquement parlant, les parents ont des droits très élargis sur l’enfant. Les différentes sphères dans lesquelles l’enfant évolue au quotidien permettent une atténuation des déviances parentales, comme l’école par exemple. Ces sphères représentent à elles toutes une possibilité supplémentaire à l’enfant de demander de l’aide ou qu’une maltraitance puisse être constatée et donc signalée.

La charge émotionnelle que génère une situation de stress a besoin de soupapes naturelles pour être évacuée. Les mesures de confinement rendent difficile l’accès aux moyens permettant une décompression de cette tension interne. Cette impossibilité expose au risque d’une survenue d’agressivité et d’impulsivité, faisant ainsi craindre l’émergence de violences intrafamiliales. 

De plus, l’accès facilité par cet état de confinement aux substances psychoactives (tabac, caféine, alcool, drogues par exemple) potentialise l’excitabilité et la désinhibition, armes redoutables servant directement la violence. 

 

Directement victime de violences, ou témoin, n’hésitez pas à vous saisir des opportunités d’aide suivantes :

  • 17 : la police
  • 119-Allo Enfance en Danger : plateforme d’écoute à destination des violences faites aux enfants.
  • Masque 19 : nom de code à utiliser auprès des pharmaciens en cas de violences conjugales.
  • 3919 : numéro d’écoute pour les femmes victimes de violences.
  • 114 : numéro à joindre par texto pour signifier des violences, en cas d’impossibilité d’appels téléphoniques.

Une perte de repères dans le quotidien

Un quotidien pourvu de relief est un quotidien qui est mieux apprécié, et qui permet de combattre l’ennui.

Les exemples et les métaphores sont nombreux à ce sujet. Prenons l’exemple de l’autoroute. On aime la prendre en cas de longues distances car elle facilite la rapidité d’un trajet. Toutefois, si l’on interroge les conducteurs sur l’inconvénient qu’ils y associent, beaucoup d’entre eux parleront de la monotonie subit au volant jusqu’à ressentir de l’ennui dans leur conduite. 

Ce qui est lisse et continu peut apporter du confort par économie de vigilance, mais finit à terme par créer de la lassitude, de la fatigue, voir de l’anxiété avec une impression de tunnel qui n’aurait jamais de sortie.

Et bien respecter un rythme avec des heures à peu près fixes, des activités différentes dans la journée et des habitudes de vie maintenues c’est un peu comme prendre quelques virages (hors autoroute bien sûr) pour rendre la conduite plus attrayante. Varier ces tâches et ses activités permet de donner de la saveur à sa journée. 

Maintenir un équilibre entre activités récréatives, ménagères, intellectuelles et sportives peut aussi avoir une importance, notamment vis-à-vis du besoin d’accomplissement que nous avons et pour continuer à alimenter, a minima, son estime de soi. 

Pour associer ces deux idées, vous pouvez choisir d’élaborer un petit programme de tête ou par écrit, de la même manière que vous le feriez hors confinement pour organiser vos rendez-vous et impératifs. Déterminer des objectifs, des buts dans une journée/ une semaine, nourrit la motivation à l’action et à tendance à moins alourdir cette sensation de passivité que l’on peut ressentir fortement dans un contexte comme celui-ci. La proactivité est le mot d’ordre. Elle se traduit par une action ou une attitude dynamique, généralement réalisée avec anticipation. 

Nous sommes un dimanche d’octobre. Dehors il pleut, vous êtes seuls, vous commencez à vous lamenter sur votre sort quand l’idée lumineuse de passer toute la journée sur Netflix vous traverse, incarnant la solution qui va vous sortir de l’ennui et de la déprime. 

Vos prévisions en termes de bénéfices obtenus ont-elles été avérées? Non, on est bien d’accord. Vous vous sentez fatigués malgré l’absolue passivité de cette activité, physiquement engourdis voir endoloris, déprimés, et peu fier de vous…

A vous de faire en sorte à travers des activités variées et un rythme horaire maintenu de ne pas avoir à vivre ce même dimanche chaque jour.

Enfin, le maintien d’horaires stables (sommeil/repas notamment) permet également le respect des rythmes biologiques auquel est soumis notre organisme. 

Il a été observé par exemple, que le travail de nuit induit une désynchronisation de l’horloge biologique en raison des changements d’exposition à la lumière et d’une dette de sommeil. Des liens entre ce rythme de travail et les risques pour la santé ont été établis à l’occasion d’un certain nombre d’études. 

De même, il a été constaté une incidence des rythmes de prises alimentaires, sur la santé.

Un étalement de celles-ci sur une journée (pas de réel repas complets) contribue à désynchroniser les horloges périphériques qui favorisent une régulation du métabolisme.

De récentes études ont permis l’établissement d’une association entre l’heure des repas et le risque de cancer du sein ou encore de la prostate. Plus l’heure du repas se distance de l’heure du coucher, moins l’impact sur la santé est important. 

L’inquiétude pour sa santé et celle des autres

Le virus auquel le monde entier fait face, réunit toute la panoplie de la mallette à angoisse :

  • un taux de mortalité élevé
  • une mortalité rapide
  • une contagiosité élevée
  • une contamination par voie aérienne et par d’autres facteurs pas encore identifiés en totalité, réduisant la capacité à pouvoir s’en protéger pleinement
  • une absence de traitement curatif
  • une possibilité d’être infecté sans le savoir et donc d’être une source de danger invisible pour les autres

Ces caractéristiques accentuent cette impression de perte de contrôle, de danger imminent, d’impossibilité d’anticiper. C’est bien connu, on combat mieux un ennemi quand on le connait bien. Or, les connaissances insuffisantes sur ce nouveau virus alimentent la vulnérabilité ressentie et le sentiment d’impuissance face à un danger de proximité. Comme évoqué précédemment, la notion d’impuissance est centrale dans la constitution d’affects dépressifs et d’états anxieux (cf impuissance apprise). 

Le problème des comportements de réassurance

Ainsi, dans une tentative de reprise de contrôle, l’être humain va tenter de donner du sens à l’insensé, de la connaissance à l’inconnu, en essayant tant bien que mal de répondre à une multitude d’interrogations que la communauté scientifique et le Gouvernement se posent eux-mêmes ! Vont pouvoir alors apparaître des comportements de réassurance divers comme une multiplication des recherches sur internet, un visionnage incessant des journaux télévisés (coucou BFM), une évocation exclusive de ce sujet au téléphone avec ses proches, mais aussi une hyper attention portée à son état de santé avec un “scan corporel” récurrent à travers le prisme des symptômes potentiellement indicateur d’une infection au Covid-19.

Ces comportements ne rassurent pas mais donnent l’illusion du réassurance. Dans un premier temps, ils peuvent générer un bénéfice immédiat selon la réponse trouvée, et vous donner la sensation d’un meilleur contrôle. Mais à plus long terme, ils ne font qu’alimenter la spirale de l’angoisse et entretenir une mécanique obsessionnelle. 

Evitez l’abondance d’informations relatives à l’actualité. Privilégiez des chaînes ou des sites d’information fiables et régulez votre exposition, suffisamment pour vous tenir informer de manière globale de la situation sanitaire, et des dernières mesures en vigueur.  

Ne réduisez pas les discussions avec vos proches au seul sujet de la pandémie. Parlez d’autres choses. Ces échanges doivent conserver une visée récréative; ils ont pour but, surtout en ce moment, de se détendre, de rigoler, de partager des démonstrations d’affection. Il peut être profitable de diriger le curseur des conversations vers les retrouvailles post confinement par exemple.

Même si l’état de confinement est propice à un retour sur soi, il est souhaitable, surtout si l’on se sent particulièrement vulnérable émotionnellement, de ne pas porter son attention avec excès sur son état de santé.

Supposez que vous ayez une petite toux débutante. Vous commencez par penser que ce symptôme va passer, mais lorsque vous constater sa persistance dans la durée, vous finissez par vous dire : “Et si j’étais atteint du coronavirus?”. Vous avez d’autant plus peur que vous avez pour souvenir avoir côtoyé un proche avant le confinement ayant déclaré la maladie peu de temps après, ou encore avoir manqué de vigilance en ouvrant, sans gants, la porte de votre immeuble le week-end dernier. Il est possible que vous colliez alors une “étiquette erronée” sur votre symptôme. Il est en effet possible qu’à force de vous focaliser sur une partie de votre corps ou de penser régulièrement aux symptômes de cette affection, vous commenciez à avoir l’impression de les avoir. Plus vous observez, plus vous éprouvez de sensations. 

Bien que la fièvre ne puisse entrer dans ce mécanisme, une toux peut tout à fait être générée par l’anxiété et ce processus d’hypercentration sur le symptôme. Ainsi, au lieu d’étiqueter votre toux “symptôme de nervosité/d’anxiété” ou en lien avec un tout autre virus, vous l’associez à l’étiquette “coronavirus”. Nous appelons ce processus en TCC : l’étiquetage erroné. 

En dehors de la présence de symptômes, vous pouvez aussi être en état d’attente à l’égard de leur apparition, comme mentionné ci-dessus. Vous n’éprouvez pas de douleur mais vous vous demandez : “est-ce que cela va venir ?”, “pourvu que cela ne m’arrive pas !”. Ce processus s’appelle : l’anticipation. 

Étiqueter de façon fausse, anticiper l’apparition de troubles et être hyperattentif aux sensations corporelles sont des habitudes mentales qui vont venir renforcer à la fois les symptômes et l’angoisse. Se dessine alors un cercle vicieux :

1 ⇒ l’angoisse et les tensions liées à l’épidémie et à ses conséquences (santé, confinement, économie, …) vont engendrer des symptômes physiques.

2 ⇒ une étiquette erronée est collée sur vos symptômes.

3 ⇒ cette étiquette et les pensées inappropriées qui en découlent vont susciter à leur tour de l’angoisse…

Sans en avoir conscience, une personne ayant recours à ces mécanismes de pensées va contribuer elle-même à la production et au maintien de ces symptômes. L’angoisse se renforce.

Une première étape est déjà de prendre conscience de la mécanique lorsqu’elle est en place. La prise de conscience est le premier pas vers un état de changement. 

Si vous vous sentez concernés par cette engrenage, travaillez à prendre du recul sur l’étiquette que vous êtes spontanément tentés d’attribuer à votre sensation physique, pour glisser doucement vers la formulation d’autres étiquettes possibles. En prenant le temps de les formuler, vous pourrez voir que certaines d’entres elles vous paraissent même bien plus plausibles que la première. 

Parallèlement, essayer de décentrer votre attention de votre corps. Il se peut que cette hyperfocalisation s’exerce alors même que vous n’en ayez pleinement conscience. Elle s’opère plus facilement lorsque vous êtes inactifs. Si vous êtes particulièrement sujet à ce processus, essayez le plus possible de ne pas rester passif durablement, trouvez des occupations. Elles détourneront tout naturellement votre attention qui se portera alors sur l’activité en cours. Si des pensées relatives au corps font irruption, ramener votre esprit à l’occupation du moment. Reproduisez patiemment cette démarche, aussi longtemps que nécessaire. Il n’y a pas de petits efforts, pas de petites victoires. Au fur et à mesure, l’attention portée à soi va perdre en intensité et vous en ressentirez les bénéfices premiers qui vous feront entrer cette fois dans un cercle vertueux. Les sensations autrefois ressenties vont décroitre, ce qui contribuera à vous rassurer efficacement, et à abaisser le seuil de l’angoisse, vous éloignant ainsi du risque de la survenue de tels symptômes. 

Enfin n’hésitez pas, pour pallier à l’angoisse générée par une telle situation, à recourir à des techniques de relaxation (Jacobson ou Schultz, faciles d’accès par le biais de la plateforme Youtube ou d’applications sur votre smartphone), de respiration, et à la méditation. Une initiation à la méditation est proposée par le site “Petit Bambou” (https://www.petitbambou.com/fr/), dont vous trouverez aussi une version application sur votre téléphone. Autre application plus récente et tout aussi pertinente, est “7mind – Les antisèches du bonheur” développée par Jonathan Lehmann (https://www.7mind.de/fr/meditation-francais-benefices)

Je terminerai cet article en reprenant l’idée joliment exprimée par la journaliste du Figaro Sarah Terrien qui s’interroge sur le bien fondé, en cette période, de l’expression employée par A. Einstein : “La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre”.  

“Et si cette période de confinement nous permettait justement de ralentir, d’arrêter de pédaler… pour se rendre compte, finalement, que nous ne tombons pas ?” 

 

Margot Duvauchelle.